Sans valentin, on libère les seins.
Le thermomètre extérieur indique – 33 degrés Celsius.
L'air est tellement froid que même ton chien n'ose pas demander la porte par peur de mourir congelé.
Tu accueilles à bras ouverts cette fraîcheur hivernale, puisqu'au fond de toi, tu ne voulais rien faire aujourd'hui.
À bas le soutien-gorge et vivement les seins à l'air en cette journée d'hiver!
Vêtue d'une simple petite culotte noire et d'un t-shirt blanc, tu te diriges à la cuisine pour préparer ton fameux chocolat chaud épicé.
Tu réchauffes le lait dans un chaudron en y ajoutant de la poudre de cacao et ton ingrédient secret.
Tu verses le contenu dans ta tasse préférée, la blanche avec des petits cœurs dorés et y ajoutes les fameuses guimauves qui déglacent le cœur.
Tu t'installes confortablement sur ton sofa, emmitouflée de la tête aux pieds dans la couverture que ta grand-maman t'a tricotée.
Tu cherches un film léger parmi la grande sélection proposée. Tu choisis Coup de foudre à Notting Hill avec le beau Hugh Grant.
Tu savoures le moment.
À chaque gorgée, une petite parcelle de bonheur se colle à toi.
Ton corps se détend.
Et puis, tout en douceur, tu tombes dans les bras de Morphée.
Le temps s'arrête.
Mille minutes plus tard, la sonnerie de ton téléphone te secoue de ton profond coma.
Tu renverses ta tasse et par le fait même, le restant de chocolat chaud plus tellement chaud.
Effrayé par le vacarme, ton chat qui était aisément couché à tes côtés disparaît en un éclair.
Les yeux semi-ouverts, tu aperçois sur l'écran de ton téléphone un message provenant du beau Charles-Antoine.
Tu te frottes les yeux.
Allo! Ça te dirait d'aller prendre un verre ce soir?
Avec le froid, tu hésites à y aller. En même temps, tu as vraiment envie de le rencontrer.
Oui ça me tente!
Good! Tu veux aller où?
Hmm…peu importe.
Finalement, vous décidez de vous rejoindre dans un petit bar en ville aux alentours de 20 h.
Tu regardes les aiguilles de ta montre.
18 h 17.
Tu sautes sous la douche.
Les gouttes brûlantes tombent délicatement sur ton cou, sur tes seins et puis sur tes cuisses.
Tu en ressors fraîchement purifiée.
Tu noues la serviette autour de ta poitrine et aromatises ton corps d'une brume qui exhale un parfum de rose.
Petites notes de musique en arrière-plan et une coupe de vin à la main, tu t'admires dans la glace.
Tu te trouves belle avec ton rouge à lèvres et tes yeux charbonneux.
Ton coeur bat la chamade.
C'est toujours pareil avant une date.
Pouls élevés.
Mains moites.
Bouche sèche.
Et la fameuse question : qu'est-ce que je vais porter?
Chaque fois, ton lit finit enseveli sous une tonne de vêtements.
En cette froide soirée, tu en sélectionnes des confortables. Un brin provocateurs sans être révélateurs.
Avant de quitter ton appartement, tu te regardes dans le miroir au cas où qu'un morceau d'épinard dépendant affectif ait voulu se coincer entre tes dents.
Tu enfiles tes grosses bottes en loup marin, ta doudoune, tes mitaines, ta tuque et ton foulard.
Tu te regardes à nouveau dans la glace et constates à quel point tu ressembles à l'abominable homme des neiges.
J'ai déjà vu pire que tu finis par te dire.
Tu verrouilles la porte et pars pour ce fameux rendez-vous.
Au loin, tu aperçois ta voiture. Submergée de deux tonnes de flocons, elle est devenue un gros iceberg. Le même que celui dans le film Titanic.
Tu prends la pelle de la voisine d'à côté et tu te mets à remuer toute cette neige.
Les cheveux mouillés, les joues rosées et le maquillage ruiné, tu t'efforces de tout déblayer, et ce, le plus rapidement possible.
Le temps s'écoule et l'angoisse s'empare de toi.
Tu fais un dernier sprint, puis, délivrée de toute cette neige, ta voiture est enfin prête à rouler.
Tu la démarres et te diriges au point de rencontre.
It must have been love joue à la radio.
Tu augmentes le volume tout en chantant à tue-tête.
Tu as le coeur léger, le coeur doux.
Tu aperçois enfin l'affiche du bar.
19 h 46.
Tu stationnes ta voiture.
Avant de sortir, tu troques tes lunettes ringardes pour des rondes plus stylées.
Tu es heureuse d'être en avance, puisque tu auras le temps d'enlever tes nombreuses couches avant que le gars se pointe le nez.
Tu entres dans le bar.
Bien évidemment, tes lunettes embues avant même que tu aies le temps de fermer la porte derrière toi.
Tu les enlèves.
Pendant un court instant, tu angoisses.
Ne voyant plus rien, tu te demandes pourquoi tu n'as pas mis tes verres de contact.
Au fond du bar, une voix rauque lance en ta direction : « les joies de l'hiver, han? », suivi d'un rire moqueur.
Tu ne reconnais pas le ton.
Tu espères que ce n'était pas toi, la cible de cette remarque.
Que ce n'était pas LE gars.
Tout ce que tu distingues au loin, c'est une silhouette floue qui s'approche de toi. Maudit hiver que tu te répètes dans ta tête.
Hey Salut!
Maintenant, face à toi, tu le reconnais.
Euh…salut!
Pis, pas trop congelée? dit-il en grimaçant
Haha, non pas trop!
Tu enlèves tout ton accoutrement d'hiver, sauf tes grosses bottes. Tu finis par te convaincre qu'elles ont un certain charme, qu'elles s'agencent bien à ton look.
Tu t'assois à côté de lui.
Vous commandez chacun une bière. Lui, une rousse, toi, une blonde.
À chaque gorgée, ta gêne s'estompe comme de l'aquarelle.
Les contrastes s'effacent, laissant place à la fille désinvolte.
Alors, ça fait longtemps que tu es célibataire?
Ça doit faire 2 ans. Et toi?
8 mois environ!
Vous jasez, buvez, buvez, jasez.
La vessie prête à exploser, tu te lèves de ta chaise pour aller aux toilettes.
C'est lorsque tu arrives face au miroir que tu constates les dégâts de ta demi-heure de pelletage.
Tu paniques.
Comment as-tu pu oublier de te regarder dans le rétroviseur avant de sortir de la voiture tout à l'heure?
À chaque mouchoir noirci, la honte s'efface quelque peu.
Sur votre table, une dizaine de shooters de Jack t'attendent.
Hey! Checke ce que j'ai commandé! dit-il les yeux vitreux et le cœur un peu trop joyeux.
Tu fais une face de dégoût.
Désolée, j'déteste le Jack!
Oh! Ben ça te dérange-tu si on les boit pareil? Ça vient de m'coûter 37 $ piasses, j'voudrais pas les gaspiller.
Hmm attends, avant j'dois aller chercher quelque chose dans mon auto, ça s'ra pas long!
Tu prends ton manteau avant de te sauver en courant.
Il aurait quand même pu te demander ce que tu voulais boire avant de commander des shooters pas buvables. Sans doute, ce gars-là voulait seulement te ramener chez lui.
Tu entres dans ta voiture et remarques dans ton pare-brise, un long papier blanc sous l'un de tes essuie-glaces. Méchante belle Saint-Valentin que tu cries haut et fort pour que tout l'univers entier t'entende. Gonflée à bloc, tu prends le maudit papier à 51 $ et tu pars retrouver ton amie.
Tu cognes à sa porte.
Salut! Ça va?
J'viens d'partir d'ma date!
Comment ça? Il avait pleins d'boutons dans face pis il puait d'la bouche?
Hahaha non! Le gars a commandé des shooters de Jack!
Eurk! Voyons-lui, du Jack! Les gars le savent ben qu'les filles aiment pas ça! Y voulait ben juste coucher avec toi!
C'est ce que j'me disais!
Viens! On va s'faire une soirée sans gars, sans pénis, sans tête de gland. J'ai déjà entamé une bouteille de vin pis j'en ai une autre dans l'frigo!
Toé là, j't'aime!
Tu la serres tout contre toi.
C'est drôle comment une amie peut te remonter le moral en un rien de temps.
Finalement, même si tu n'as aucun gars à frencher ou à aimer, t'es heureuse de passer la Saint-Valentin avec ta meilleure amie.
Parce que pour toi, ce qui importe lors de cette fête, c'est de partager du temps avec tes amies, de dire des conneries, de boire du vin bon marché, manger une tonne de chocolats fourrés tout en écoutant un petit film cul-cul diffusé à la télé.
C'est de mettre de côté son soutien-gorge le temps d'une soirée et de profiter pleinement de cette sensation de liberté.
– Gabrielle