L'autre soir j'me suis fait dire que j'étais prude. Moi, prude? J'suis partie à rire. T'sais, le genre de rire que tu fais quand t'es pas certain de si st 'une joke ou non. Y'avait d'lair bin sérieux! J'ai arrêté de rire. J'l'ai regardé, pis tout ce qui est sorti de ma bouche c'est un genre de bruit bizarre qu'on pourrait qualifier de malaisant.

Après mon fake bruit débile, j'ai fini par être capable de mettre des mots dans ma bouche.

J'peux-tu savoir pourquoi tu dis ça? {J'voulais savoir pourquoi il avait collé l'étiquette prude sur mon front, parce que j'dois dire qu'on ne me l'avait jamais encore sortie celle-là.}

Bin j'sais pas, ça fait 3-4 fois qu'on se voit pis on n'a toujours pas couché ensemble.

Heu okay… bin j'savais pas qu'y'avait un dateline pour le sexe! {C'est quoi chaque fois qu'on se voyait tu écrivais minutieusement sur ton calendrier un gros X?}

Bin non, mais t'sais, j'pas fais en bois pis bin des amies de fille j'en veux pas.

Humm, okay… J'sais pas trop quoi t'dire. {En fait, j'savais quoi dire, mais mes parents m'ont appris à être polie.}

Le gars me regarde, petit sourire en coin, pas trop certain de savoir quoi vraiment dire dans ce genre de situation de marde. Moi, j'suis là, debout comme une conne, pis j'me demande qu'est-ce que j'fous là, à parler de moi, la fille supposément sainte-nitouche.

J'suis tellement mal à l'aise que j'm'assois sur le trottoir, au cas où que ma honte déciderait de me faire tomber. Je regarde le gars pis avec ma main droite j'donne trois p'tits coups sur le trottoir pour qu'il comprenne que j'veux qu'on parle assis, t'sais. Bin le gars est resté là, accoté sur mon auto, à me regarder.

Écoute, j'pas habituée à ce genre de situation, dans le sens où habituellement, j'me casse pas la tête à savoir si j'couche avec la personne ou non, mais toi, tu m'intéresses, pis bin j'veux pas faire les mêmes conneries que j'ai faites dans le passé.

J'comprends, mais t'sais, j'pense pas que ça va changer grand-chose d'attendre aussi longtemps.

J'sais pas quoi t'dire, j'ai décidé de me respecter, pis bin là, j'ai comme pas le feeling que c'est le moment, alors c'est ça…

Le gars fait un sourire en coin, pas trop certain encore une fois de savoir comment réagir à cette situation encore plus merdique qu'il y a 5 minutes.

Bon, bin… j'vais y aller, han!

…

J'me lève et j'me dirige vers ma voiture.

Le gars s'approche de moi et vient pour m'embrasser.

Moi, l'égo touché, j'veux détendre un peu l'atmosphère. J'recule, pis j'lui dis une p'tite blague du genre : « Ahhh non, j'suis prude, alors… »

Il ne m'a pas trouvé drôle. Pourtant…

Il est parti de son bord et moi, du mien.

Sur le chemin du retour, j'écoutais les fameuses chansons qui passent à 23h au 107,5. Le genre de chansons qui t'obligent à imaginer des scénarios hyper ridicules ou de pleurer ta vie et du même coup, embrouillent ta vue, et te fait passer proche de faire une dizaine d'accidents!

Pendant mon mini road trip avec Mr. Cabrel, j'me demandais si j'étais devenue prude. Le gars avait réellement réussi à semer un doute dans mon esprit. J'me sentais mal. J'avais l'impression d'être redevenue vierge à un moment donné. Moi, la fille qui parle toujours de sexe pis qui est habituellement très à l'aise avec sa sexualité, j'étais devenue prude?

J'ai pris mon cellulaire (j'suis quand même arrêtée sur le bord de la route, t'sais) pis j'ai cherché sur Google la définition du mot prude. J'voulais savoir si lui pis moi on avait la même référence sur ce mot-là.

J'suis tombée sur la définition du Larousse : « qui affecte une vertu austère, une pudeur excessive ».

Ayoye! Une pudeur excessive? J'suis partie à rire. Il me prenait pour la vierge Marie ou quoi?

Après avoir ri comme une conne, toute seule dans mon char, j'me suis mise à réfléchir ou plutôt à philosopher sur notre société. J'trouvais ça triste que dans ma génération, parce que je ne voulais pas coucher avec un gars tout de suite, j'étais considérée comme une sainte-nitouche. Être intéressée à plus qu'un one night ou du cul pour du cul faisait de moi, une fille pas normale. Ça me décevait. Déçue, que pour une fois, dans ma vie, je choisissais de me respecter et de prendre mon temps, et que parce que ce n'était pas ¨normal¨ ou plutôt dans les habitudes de notre si belle génération, j'étais supposément prude.

J'voulais pas jouer la game du je vais le faire attendre le plus longtemps possible. Pour une fois, j'étais fière de moi, parce qu'auparavant, je ne prenais pas mon temps, je ne me laissais pas désirer, je donnais tout à ceux qui ne le méritaient pas. Bien souvent, j'me faisais niaiser et on me larguait comme une vieille chaussette trouée. Avant, j'acceptais que l'on me traite comme une chaussette, seulement pour être acceptée par les gars et la société.

Pis là, pendant que je chantais à tue-tête On s'est aimé comme on se quitte de Joe Dassin, j'me suis bien rendu compte que je n'étais pas prude, j'avais simplement pris la sage décision d'être sélective dans le choix de mon partenaire de vie (et sexuelle). Donc, j'ai monté le son encore plus fort pis j'me suis faite la promesse que la prochaine fois qu'un gars va m'dire que j'suis prude parce que je n'ai pas voulu coucher avec lui la X ième fois, j'vais lui répondre (désolée maman et papa à l'avance) : « Va donc te cr*****! ».

– Gabrielle