Apéro-love.
16 h 34.
Aretha Franklin se fait aller les cordes vocales dans le haut-parleur
Avec intensité.
Je me laisse bercer par son timbre de voix
Le soul est si vibrant pour l'âme.
Mes mains tapotent l’herbe fraîchement coupée
Elle est d’un drôle de vert
Pas vert gazon comme je connais
Plutôt vert chimique.
Le ciel, lui, est copié-collé à mon cocktail préféré
Orange extra-amertume
Tellement pétillant
Que j’en aie la tête qui zigzague
Un vrai bonheur d’Italie vous me direz !
Le ciel est comme moi
Ou je suis comme le ciel
Amer. Doré. Pétillant.
La chaleur, elle, est aussi intense que la Queen of soul
Bientôt, je serai une éruption volcanique
Prête à laver tout ce qui m’entoure.
Le gentil garçon à ma droite
Gentil comme trois garçons gentils
Me fait sentir like a natural woman.
Ce gentil garçon, gentil comme non pas trois garçons gentils
Mais plutôt comme quatre garçons gentils
Plaque son visage contre mon visage.
Les quelques gouttes salées inondant son front
Ruissellent sur mes joues et ma bouche.
Chacune de ses inspirations créées de petites vagues
On dirait les plages de la Gaspésie en plein mois de septembre.
Ses doigts longs et colorés se faufilent sous ma jupe fleurie
À la découverte du trésor caché
Tel Indiana Jones.
Aucun autre choix d’être majestueusement vôtre
Tel est votre idéal
Un vrai gamin au sang royal.
Inaccessible émotionnellement
Accessible physiquement
Un beau cadeau empoisonné.
C'est un bon garçon, mais mêlé comme dix garçons mêlés.
Il m'apprécie, je le sais, mais il ne veut rien de sérieux.
C'est ce qu'il me répète chaque fois
Quand l'apéro-love abonde dans mon sang.
J’aime tout de même me prélasser au soleil à ses côtés
Me perdre des heures un samedi après-midi
Pour un peu de faux bonheur.
Créer des scénarios dans ma tête de romanesque
Rêver à la galanterie d’autrefois
Où l’on pouvait danser des heures durant
Où les vieilles lattes de bois vibraient sous nos pas
Où les orchestres créaient des œuvres musicales
Pour faire naître l’amour entre deux personnes.
Pourquoi est-ce si compliqué de nos jours ?
Aimer librement. Passionnément. Naturellement.
Aimer comme un beau lac tranquille
Où les grands huards chantent l’été.
J’existe dans une société ruinée
Les corps sont des lingots d’or
Et l’amour, du charbon.
Si un grand sage m’avait raconté
Que je serais une incapable de l’amour à deux
À mon âge
Je n’en aurais pas cru un mot.
Je l’aurais traité de menteur
Parce qu’au fond de cette grande noirceur
Se camoufle une mystérieuse douceur.
Il est là.
Je suis là.
Visage plaqué contre son visage.
J’aimerais prononcer des mots
Des mots qui prennent trop de place entre deux amis
Trop de place entre nous deux.
Si je pouvais lui avouer que toutes les nuits
Je demande à l’univers de m’accorder un souhait
Un seul.
Univers, je souhaite…
Prendre le large à bord d’un grand voilier
Avec lui.
Accoster sur des îles inhabitées
Avec lui.
Vivre d’amour et d’eau salée
Avec lui.
– Gabrielle